L’illimité est le problème

Le souci avec le numérique ? L’illimité !

Illimité dans le nombre d’interactions, nombre de recherches, nombre de vidéos ou d’images, nombre d’heures passés à scroller, nombre de dossiers archivés, nombre de mails envoyés… Le numérique est à tout point de vue illimité !

D’ailleurs, nombre de parents pointent ce défaut du doigt quand ils analysent les dégâts du numérique sur leurs enfants et adolescents. Car ces derniers ne réussissent pas à se réguler. Chose exacte et scientifiquement prouvée : le cerveau ne parvient à maturité qu’à l’âge bien avancé de 22 ans environ où les derniers liens se mettent enfin en place. Et notamment le lien entre la volonté et l’action. Pas de chance ! L’adolescent a donc parfois la volonté d’arrêter le flux de vidéos YouTube mais ne le fait pas, non par manque de volonté mais bien par manque physiologique de cette fameuse connexion. A croire que l’autoplay de YouTube qui lance les vidéos les unes après les autres sans demander notre avis connaît cette caractéristique du cerveau humain…

La solution serait donc d’interdire cette fonctionnalité « autoplay » et à l’inverse laisser l’utilisateur cliquer pour « vouloir » vraiment regarder. Interdire et réguler, mettre des quotas par exemple. J’entends déjà les sirènes des libertaires : préservons la liberté de tous de consommer le numérique ! Oui, je suis pour la liberté, encore plus que vous d’ailleurs, car je milite pour une vraie liberté d’utilisation et non une injonction à la consommation comme c’est souvent le cas. Dans notre société, Rousseau l’a dit avant moi, le bonheur est possible parce que justement il y a un cadre et on se sent libre grâce à ce cadre. Sans cadre, point de liberté possible finalement. L’anarchie ne rend pas libre, à mon avis. Sans rentrer dans des considérations philosophiques, il existe justement moult règles et interdits pour les jeunes dans nos sociétés : interdit sur l’alcool, l’accès aux casinos, la vente de jeux d’argent, la vitesse au volant… Pourquoi diantre ne pas ajouter un interdit ou un quota sur le numérique ?

D’autant que l’illimité du numérique ne rend pas heureux nos jeunes. Pour s’en convaincre, j’aime à reprendre la fameuse expérience du bol de soupe. Rappelez vous, elle date un peu mais les procédés du cerveau sont les mêmes. Un premier groupe de participants mangent un bol de soupe. Un deuxième groupe de participants se voient proposer la même chose, mais à une variante près : les bols qui sont fixés à la table, se remplissent à nouveau imperceptiblement alors que le participant mange. L’objectif de l’étude est de voir si nous mangeons plus lorsqu’on nous donne davantage à manger ou si la satiété reste la même. Conclusion de cette étude : le deuxième groupe a mangé presque 50% de plus de soupe que le premier groupe, sans finir leur bol (normal puisqu’il s’est rerempli au fur et à mesure), mais par contre ils se sentaient moins rassasié et ont moins apprécié la soupe que le premier groupe de participant. Ainsi, le buffet illimité de nourriture pousse à manger davantage et se sentir moins rassasié et moins heureux de son repas.

Le rapport avec le numérique, me demandez-vous alors ?  C’est pareil : à force d’illimité, nous en consommons plus que nous n’en voulions au départ, pour un résultat mitigé car nous sommes moins rassasié et moins heureux que s’il y avait une quantité finie de numérique.

Par son côté illimité, le numérique est un bol de soupe !

La solution pour nos jeunes, comme pour nous, semble par conséquent très clair : mettre un cadre pour savoir à l’avance combien consommer et se sentir repu, rassasié et heureux avant la nausée.

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